Inauguration du lycée – Président de la Région

Inauguration du lycée Jean Joly – Discours de M. Paul VERGES, Président de la Région Réunion

Le lycée d’enseignement général et technologique Art et Bois de la Rivière Saint-Louis a été dénommé lycée Jean Joly, du nom d’un Réunionnais résistant de la Seconde Guerre mondiale qui a, modestement et obstinément, transmis mémoire et valeurs aux jeunes de La Réunion en allant à leur rencontre.

Ne jamais oublier

Monsieur le Sous-Préfet de Saint-Pierre représentant le Préfet de La Réunion,
Madame l’Inspectrice représentant Monsieur le Recteur,
Monsieur l’Adjoint au Maire représentant le maire de Saint-Louis,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Proviseur,
Mesdames et Messieurs les enseignants, les élèves et tous les membres de la communauté éducative,
Mesdames les membres de la famille de Jean Joly,
Messieurs les représentants des anciens combattants de la France libre.

 

Je voudrais en quelques mots souligner la gravité de la cérémonie à laquelle nous procédons aujourd’hui. C’est un élément de réflexion pour tous les jeunes qui ont aujourd’hui pratiquement l’âge qu’avait Jean Joly au moment de la guerre et pour les parents de ces jeunes. A cette époque, La Réunion avait près de trois fois moins d’habitants qu’aujourd’hui ; il y avait une misère épouvantable et nous avions peu de relations avec la métropole en dehors de ce qu’on appelait la TSF. Tout le monde ici avait assisté à l’effondrement de la défaite de mai 1940. A Paris, se trouvaient des jeunes Réunionnais d’une vingtaine d’années, complètement isolés de leur famille. Ils avaient à choisir leur camp. Chacun d’entre vous doit pouvoir s’interroger : à son âge et à sa place, auriez-vous choisi le chemin qu’il a choisi ? Ce choix représentait pour lui un acte capital. En même temps, ici, sa famille était coupée de Jean Joly. Or, au moment de la libération de La Réunion, en 1942, c’est son frère qui s’engage à son tour et qui part dans les Forces navales françaises libres.
Je pense qu’il y a là un élément de réflexion pour tous les jeunes d’aujourd’hui et pour toutes les familles, afin de comprendre ce que représente un tel geste.
Nous accomplissons aujourd’hui un devoir de mémoire. Tout n’est pas venu ici spontanément. Si aujourd’hui nous avons des lycées, des collèges, des écoles, c’est parce qu’après la guerre il y a eu une transformation considérable de notre statut. Si vous vous reportez aux débats de l’Assemblée nationale, tous les orateurs ont évoqué le geste des Réunionnais et des Antillais qui se sont battus volontairement pour la libération de la France. C’est à cela que nous devons réfléchir aujourd’hui. _ Au moment de la libération de l’île du régime de Vichy se lèvent des centaines de jeunes : il n’y avait pas à cette époque la conscription : ils étaient tous volontaires. Je le répète, nous devons réfléchir à cela : dans un tel moment de danger, est-ce que nous serions capables aujourd’hui de faire la même chose ? Est-ce que la jeunesse d’aujourd’hui, à 18 ou 20 ans, se lèverait du même élan pour affronter une épreuve où chacun savait qu’il risquait sa vie ? C’est là qu’il faut voir comment nous vivons les valeurs que nous proclamons et comment, quand nous sommes devant l’épreuve, nous passons des paroles aux actes. Je crois qu’aujourd’hui où vous honorez le devoir de mémoire en donnant le nom de Jean Joly à votre lycée, c’est un signe pour toute La Réunion que ce devoir de mémoire est beaucoup trop négligé. Il ne faut pas se tromper sur la personnalité de Jean Joly et y réfléchir. J’étais moi-même au lycée avec lui, avec une certaine différence d’âge. On voyait un grand athlète, connu surtout comme lanceur de disque. Il était véritablement un champion et qui pouvait dire alors que ce sportif, très aimable, très lié à tout le monde, aurait fait quelques années plus tard un tel geste dans l’isolement qu’il connaissait à Paris, un geste qu’il a fait volontairement ? Lui, réunionnais, isolé à Paris, il a fait partie, dès le début, de cette cohorte d’une minorité de Français qui ont choisi de se battre plutôt que d’accepter l’oppression et cela doit être une leçon pour nous tous. La vie n’est pas simplement le problème égoïste de réussir sa carrière. La vie, c’est le partage du même sort avec tout le monde. Quand on est menacé, eh bien, les plus valables se mettent toujours au premier rang. Pour tout jeune d’aujourd’hui c’est un sujet de réflexion sur ce qu’il représente, sur les valeurs qui l’habitent et sur sa capacité à honorer de telles valeurs.

Valeurs en acte Jean Joly, résistant, a participé à des actions armées contre l’occupant et à la libération de Bertie Albrecht – ce qui ne l’a pas sauvée, hélas ! de la décapitation plus tard par les nazis -. Et il est arrêté. Quand on nous dit qu’il a été transféré de Fresnes à la rue Lauriston et qu’il a été aux mains de l’équipe de Bonny-Lafont, pour tout résistant en France cela veut dire la torture pendant des jours, pendant des semaines. Et quand on décide de le déporter sous le signe de « Nuit et Brouillard » (« Nacht und Nebel ») cela veut dire qu’on le voue à la mort. Il a à peine 23 ans, il est coupé de sa famille, mais il n’est pas seul, il y avait également Teddy Piat, un lycéen comme lui et qui a subi le même sort que lui.
Si on doit féliciter l’équipe qui a choisi ce nom, il faut noter qu’on le choisit quand Jean Joly est mort. Mais pendant tout le temps qui a suivi son retour à La Réunion, qui a honoré Jean Joly ? C’est vrai qu’il ne facilitait pas les choses, c’est vrai qu’il était modeste, c’est vrai qu’il était discret. Il était l’ami de Pierre Lagourgue à Paris, il aurait pu être un notable, il aurait pu mener une action politique, mais il était trop modeste. Peut-être aussi sentait-il que ce monde était un monde dangereux, qu’il n’était pas, à l’époque, suffisamment connu et qu’il y avait trop de dangers pour l’intégrité, l’honnêteté à se mêler de politique. C’est une vie qui est exemplaire, il ne s’est jamais mis en avant, ce qu’il demandait c’est de ne pas oublier son cas, mais en fait il ne s’agissait pas de son cas, mais de ce que signifiait son martyr ainsi que celui des centaines de milliers de gens qui, eux, étaient morts. Voilà ce que représente Jean Joly et je pense qu’aucun jeune aujourd’hui, ne peut pas ne pas trouver, dans sa vie active et joyeuse, un moment pour se demander : dans la situation de Jean Joly, est-ce que j’aurais fait la même chose ? .
Concernant la réappropriation de notre histoire, il ne s’agit pas seulement de se réapproprier l’histoire ancienne, celle des siècles passés. Il y a dans notre histoire moderne suffisamment d’éléments montrant les capacités de sacrifice de notre jeunesse. Nous avons voulu associer à cette cérémonie cette jeunesse qui est l’avenir de La Réunion pour qu’elle se souvienne d’où vient La Réunion, d’où viennent leurs parents et comment ils ont affronté un certain nombre d’épreuves. Nous avons voulu que soient associés aussi les anciens combattants et ceux qui restent, malgré l’âge, de cette cohorte de jeunes de la France libre, qui, volontairement, se sont présentés dans les années 1942 et 1943, pour aller se battre et dont beaucoup ne sont pas revenus.
Voilà à notre sens tout le poids de notre cérémonie d’aujourd’hui, c’est un honneur pour votre lycée que d’avoir choisi ce nom, c’est un signal donné à toute La Réunion d’honorer ceux qui ont pris le risque de mourir pour que vive la liberté. Cela, personne ne doit l’oublier. Jean Joly avait raison de dire « N’oubliez jamais ! » et c’est pourquoi je voudrais tous vous féliciter, à quelque titre que vous soyez présents, à la fois pour honorer Jean Joly et pour montrer que la jeunesse d’aujourd’hui est prête à prendre la même route, si jamais de telles épreuves s’annonçaient de nouveau. Ceux qui ont vécu cette période, ceux qui se sont battus, c’est dans l’exaltation de ces valeurs que je voudrais vous féliciter d’avoir choisi le nom de Jean Joly.

 

SOUS-PREFECTURE DE SAINT-PIERRE

 

Le Sous-Préfet

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Saint-Louis, le 7 février 2007

 

Baptême du Lycée de la Rivière Saint-Louis du nomde « Jean JOLY » Mercredi 7 février 2007

Prise de parole de M.Olivier MAGNAVAL

Sous-Préfet de Saint-Pierre

 

Monsieur le Maire,

Monsieur le Président du conseil Régional,

Monsieur le Recteur,

Monsieur le Proviseur,

Mesdames et Messieurs,

 

C’est avec joie, mais aussi avec émotion, que je participe, au nom de l’état et du préfet de la Réunion, à la cérémonie de dénomination du lycée professionnel « Jean JOLY ».

 

Le baptême, qu’il soit civil ou religieux, est l’acte fondateur d’une identité. Votre lycée s’est forgé, depuis son inauguration en 1997, un savoir-faire qu’il a traduit dans sont logo, « art et bois ». Il a, à partir d’aujourd’hui, une identité.

 

Le baptême, c’est aussi dans la tradition chrétienne, un geste public, celui par lequel la communauté des croyants accueille le baptisé et ouvre la brèche par laquelle Dieu sera désormais présent en lui.

 

C’est aussi, depuis l’institution du baptême républicain en 1794, l’acte civil qui permet de donner à son enfant un parrain ou une marraine civils sans l’intermédiaire de l’église.

 

Dans le respect de ces traditions, la communauté éducative du lycée professionnel de la Rivière a choisi, pour son établissement, le parrain qui mui manquait, avec la volonté de voir l’esprit de ce parrain exceptionnel, Jean JOLY, servir de fondement aux valeurs de létablissement.

 

Je veux saluer ce choix éclairé que vous avez fait, mesdames et messieurs, largement porté par ceux qui ont connu et apprécié l’homme engagé que fut Jean JOLY.

 

Voir un établissement scolaire porter le nom de « Jean JOLY » est, je pense, la plus juste reconnaissance de son inlassable engagement en faveur de la transmission du souvenir.

 

Certes, c’est devant le courage de cet homme entré en résistance à 20 ans et déporté à 23 ans que nous nous inclinons. C’est le président d’associations que beaucoup de nous ont connu que nous saluons, celui dont le courage et les mérites ont été récompensés par une nomination dans le grade de commandeur de la Légion d’Honneur. Un homme dont la vie est un exemple pour les jeunes générations, tout particulièrement désormais celles du lycée qui porte son nom.

 

Mais, dans ce baptême je vois aussi l’engagement inlassable de Jean JOLY dans la transmission du souvenir. Initiateur du coucours de la résistance et de la déportation à la Réunion, Jean JOLY pensait avant tout aux jeunes.

 

Sa volonté, jusqu’a ses derniers instants, était en effet que se perpétue, non pas son souvenir, il fut homme bien trop modeste pour cela, mais le souvenir de tous ces hommes et ces femmes qui ont connu l’horreur des camps de déportation pour défendre la liberté.

 

Sa volonté, jusqu’a ses derniers instants, était que les jeunes se souviennent, pour qu’il n’y ait « plus jamais ça ».

 

Homme d’une grande sagesse, il était aussi habité d’une noble tristesse, qu’il cachait de moins en moins alors que sa propre vie s’en allait : tous ces sacrifices auraient-ils été vains, que serait l’avenir de cette jeunesse qu’il aimait tant, de ce monde merveilleux où guerroyaient des fous ?

Il vous a livré, à vous les jeunes, un ultime message, que vous avez repris dans la brochure de présentation de cette cérémonie d’aujourd’hui.

 

« …comme disait un jour l’ami PIAT « Qui peut oublier la part de Mort que l’on porte en Soi ? » C’est bien pourquoi souhaitons qu’aucun des « nouveaux » jeunes qui nous ont remplacé aux échelons de la vie n’ait – oh jamais – à connaître l’espace d’Enfer qu’aux NACHT und NEBEL ils avaient réservé »

 

Bon vent! Bonne chance! écrivait-il : à vous désormais, élèves et enseignants, de poursuivre le formidable travail de mémoire entrepris par Jean JOLY.

 

Je vous remercie de votre attention.